Il est 15h : je meurs de faim. C'est avec grande convivialité que le mineur offre café, thé et petits gâteaux en fin de visite, dans une salle réservée à cet effet, creusée comme les autres dans la pierre.
Au retour, le véhicule passe à l'extérieur devant une immense fresque retraçant l'histoire de Kiruna et de sa mine. Le visage du fondateur y apparaît derrière la montagne, j'observe le défilé de mineurs en grève… Les couleurs utilisées égayent paradoxalement le paysage sombre car la nuit arrive déjà. Je m'étonne de la composition de la neige qui tombe ; il ne s'agit pas de flocons chargés d'humidité mais plutôt de minuscules grains de sable blancs. Je doute de leur tenue au sol.
C'est avec une sensation de richesse culturelle mais aussi de solitude que je rejoins mon bungalow au Ripan. Cette fois, j'ai bien mémorisé le chemin du retour. La ville est illuminée, les rues presque désertes, il fait très froid.
Alors que la soirée s'annonce maussade, trois petits coups secs à la porte du bungalow réveillent le silence. Maria se révèle ainsi, oiseau de bon augure :
- Je t'emmène dîner au "Ferrum" ce soir et j'ai préparé ton programme pour les deux prochains jours…
- Ah oui… Et que me réserves-tu ?
- Eh bien, tout d'abord, je passe tout l'après-midi de demain avec toi et te fais visiter Kiruna : le musée sâme, l'église, l'hôtel de ville, etc. Puis, chose que je ne t'ai pas encore dite : mon père est un des responsables de l'hôtel de glace et nous invite à y passer la soirée. Enfin le lendemain, ma mère a prévu pour toi une sortie en chiens de traîneau avec l'une de ses amies.
- Mais c'est inespéré tout cela, quelle chance de t'avoir rencontrée !
Le "Scandic Ferrum" devant lequel je suis passée plusieurs fois en centre-ville est un hôtel-restaurant beaucoup plus moderne et luxueux que le "Ripan". Mais les prix n'y sont pas les mêmes ! L'entrée se situe sur la plus vaste place de Kiruna, à côté de l'office du tourisme, du théâtre, du cinéma et face à une colonne d'art moderne. La place est gelée sous la couche de neige fraîche. Nous devons marcher à petits pas. Les salons de réception et salles à manger à l'ambiance feutrée se trouvent au premier étage. Ils offrent une vue magnifique sur la cité minière qui ressemble à un paquebot illuminé dans la nuit. Chaque table possède, selon la coutume, sa petite lumière chaleureuse. Les assiettes servies le soir sont plus copieuses qu'au Ripan.
Nous exprimant en français, nous attirons l'attention de nos voisins de table : trois jeunes garçons et une fille. Ces derniers viennent des quatre coins de France et font partie, depuis l'automne, d'une tournée suédoise de danseurs. Un élan de sympathie et de curiosité s'instaurant entre compatriotes, les deux tables se trouvent rapidement rapprochées ! Les jeunes danseurs expliquent que leur direction artistique suédoise lance tous les ans un casting dans différents pays afin de constituer une troupe itinérante dans toute la Suède pendant plusieurs mois. Ils sont pour quelques jours à Kiruna qu'ils découvrent comme moi. Malheureusement, les heures consacrées aux répétitions font qu'ils ne visiteront pas Esrange, la mine de fer ou l'hôtel de glace… Leur représentation doit avoir lieu jeudi soir au théâtre de Kiruna pour repartir ensuite plus à l'ouest. Compte tenu de la rudesse de vie qui sévit à Kiruna, auront-ils beaucoup de spectateurs? En tout cas, nous sommes cordialement invitées à faire partie du public !