Une culture profondément ancrée

Eglise de Kiruna  Mercredi matin, le ciel est bas mais il ne neige plus. Je suis étonnée par la tenue au sol de ces grains volatiles qui sont tombés toute la nuit. Il va falloir déblayer l'escalier extérieur du bungalow ainsi que mon petit bout de trottoir. Je commence par prendre une douche qui est malheureusement entrecoupée de baisses de pression et de refroidissements soudains : mon voisin se prépare en même temps que moi ! Puis ici, je perds vraiment du temps pour m'habiller. Dehors, il fait bien plus froid que les jours précédents car le vent s'est levé. La neige vole au rythme de mes coups de balai.

Maria passe me chercher à la réception du Ripan, après mon petit déjeuner. Nous décidons de nous rendre à pied à l'église de Kiruna. La grisaille et un froid glacial nous accompagnent. Le clocher se présente, comme pour la plupart des églises du coin, sous forme de campanile qui me fait penser à une architecture russe plutôt qu'italienne.  L'imposante structure de bois de l'église s'assied lourdement sur la couche de neige épaisse à l'image d'un tipi, décoré aux deux tiers de sa hauteur par des sculptures en or. L'intérieur inspire respect et recueillement. Un lustre aux mille lumières descend du plafond, laissant de part et d'autre des immenses orgues. Une tenture en trompe l'œil habille l'arrière de l'autel d'un paysage, semble-t-il méditerranéen, sous un ciel plein de clarté et de chaleur. Le contraste avec l'extérieur est captivant !Eglise de Kiruna
Puis, Maria m'emmène à l'hôtel de ville. Son horloge lui a permis en 1964 d'être reconnu comme le plus bel édifice de Suède. Les poignées des portes sont massives et arrondies, symbolisant le tambour magique des sâmes taillé et poli dans des bois de rennes. En l'absence de maison de la culture, le hall lambrissé accueille la majorité des expositions de peinture et de sculpture du pays.

Il est déjà midi et nous allons déjeuner au Ferrum qui se trouve non loin de là. Nous passons par l'office du tourisme qui, au premier étage, offre au regard une magnifique tapisserie constituée d'un patchwork de tissus représentatif de toutes les spécificités de Kiruna (mine, église, lacs…) ainsi que de vêtements de luxe bordés de fourrure de renard blanc : une merveille !
L'ambiance du Ferrum est complètement différente de la veille au soir. En effet, comme ailleurs, le déjeuner est organisé en self-service. Maria me conseille de me servir en Kroppkakor, plat typique du nord suédois. Il s'agit de fines lamelles de pommes de terre, cuites à l'eau, farinées et amassées en boule, accompagnées de lardons et de confiture d'airelles : délicieux mais très copieux !  De notre table située au premier étage, nous devinons au loin, à travers les baies vitrées, la présence de la mine Sculpture sâmeet ce, malgré les tons dégradés de gris et de blanc… Un dessert ne sera pas nécessaire, le café habituel suffira.L'après-midi doit être consacré à la culture sâme en rejoignant son musée, sous des éclaircies. Les portes sont lourdes et de couleurs vives, bleu et rouge comme les costumes folkloriques ! Les poignées aussi massives que celles de l'hôtel de ville y ressortent encore mieux. Les sâmes composent le peuple du soleil et du vent. Sur les 70000 sâmes de la Laponie Scandinave et de la Russie, 17000 vivent en Suède et 3000 pratiquent encore l'élevage du renne. Autrefois nomades, ils se sédentarisent de plus en plus avec le modernisme et l'apport des nouvelles technologies. Ils possèdent néanmoins leur propre langue ainsi que leur propre drapeau depuis 1986. Le parlement samien, défenseur de leur identité, siège d'ailleurs à Kiruna. Le musée laisse quelque peu entrevoir les rancoeurs accumulées depuis plus d'un siècle envers les suédois.

Kroppkakor