Les premiers européens à mentionner le Kilimandjaro sont les deux missionnaires allemands Krapf et Rebmann en 1840. Le volcan couvert de neige éternelle n'est pas encore éteint. Il est le point culminant de l'Afrique avec ses 5894 mètres d'altitude.
De partance d'Arusha, nous sommes neuf dans un 4x4, qui asphyxiera plus d'un passant tout au long de la route (*). Notre guide et trios porteurs sont serrés comme des rats sur la banquette arrière. Un autre porteur est assis tant bien que mal sur le sol entre nos deux sièges. Simon, notre guide, nous fait part de son expérience et nous apprend qu'il a atteint déjà 150 fois le sommet. Nous sommes encore à 85 kilomètres du Kilimandjaro que celui-ci se dessine déjà a l'horizon. Il est magnifique : il domine toute l'Afrique et les nuages qui siègent autour de lui tentent de le surmonter sans succès.
Nous atteignons Marangu, porte d'accès pour l'ascension, après deux heures trente de route. C est là que notre premier repas local nous attend : au menu, riz collés et rognons de provenance inconnue ! Suite à un besoin pressant, Simon indique à Estelle les toilettes africaines : il s'agit d'un terrain vague à proximité ! finalement, Estelle patientera jusqu'aux toilettes européennes à l'entrée du parc.
Notre trek commence par trois heures de marche facile au milieu d une végétation dense, variée et humide. Nous nous sentons coupables de laisser notre sac à dos de 15 kg aux porteurs. Mais bien vite, nous nous rendons compte qu'ils sont beaucoup plus robustes que nous. Le camp Mandara, situé à 2300 mètres d'altitude, est noyé dans la forêt du Kili. Le site nous fait penser aux refuges de nos Alpes. Pour notre première nuit, nous dormons avec Veronica, Chilienne d'origine, la quarantaine, vivant à Los Angeles.
Nous nous couchons à 20h00 en pensant qu'il est 19h00 à Paris, et qu'en ce Samedi, la soirée de nos compatriotes doit seulement s'amorcer.
A 07h00 le lendemain matin, un petit déjeuner copieux nous attend : oeufs, crêpes salées, salade de tomates et concombres, toasts, confiture, accompagnés de thé/café.
La seconde étape consiste à rallier le camp Horombo situé à 3720 mètres d'altitude.
La végétation se modifie progressivement, et passe d'une foret tropicale à de petits arbustes nommés " Scrub", ainsi qu'à des arbres de la famille des palmiers (*). La fleur Kilimanjaro, blanche et sèche, fait son apparition (**).
Après deux heures trente de marche, des ampoules sur les arrières pieds d'Estelle prouveront que les chaussettes mouillées ne sont pas recommandées pour les treks !
Nous sommes maintenant au dessus des nuages, ce qui nous donne l'impression d'être sur une île au milieu d'une mer de coton. Les seuls témoignages de vie visibles sont des ruminants, lizards, oiseaux ressemblant à nos moineaux et corbeaux avec un polaire !
Nous atteignons Horombo en quatre heures sans être particulièrement fatigués ou essoufflés. Ici, le bruit du ruisseau dévalant le Kili donne aux palmiers du "désert" et aux nuages en fond de toile, une ambiance poignante de béatitude.
John, l'assistant de Simon, nous rejoint en fin de dîner pour un briefing : nous comprendrons mieux plus tard l'importance de ses paroles qui nous sensibilisent sur les difficultés à venir ; Il est vrai que, pour l instant, notre rythme est trop rapide. Nous repensons à cette victime de l'altitude, que nous avions pris pour un aveugle, accompagnée, lors de notre montée Nous partageons la seconde nuit avec deux hollandaise Michelle et Michèle, qui penseront pendant plusieurs jours que yann a gravi l'Aconcagua (7000 m !) après une confusion.
Au petit matin, nous reprenons notre marche, et décidons, suite aux conseils de la veille, d'avancer pole pole ( doucement doucement !) pour atteindre le troisième camp Kibo, afin d'éviter au mieux le mal d altitude et économiser nos forces. Le paysage est à nouveau changeant pour devenir lunaire. Un pas devant l'autre, Estelle donne le tempo à l'équipe, et Yann, de foulées plus grandes, zigzague sur le chemin pour conserver le même rythme. Nous mettons sept heures pour rejoindre notre base distante de quatorze kilomètre et situé é4700 mètres d'altitude.
Au pied de ce mur, nous ressentons pour la première fois la pression psychologique.
A 17h00, un en cas thé/pop corn nous revitalise alors que de plus en plus de membres d'expéditions sont victimes de l'altitude, comme cette japonaise que Yann tentera de soulager par un médicament ramené du Pérou ( Merci Hugo !!).
Progressivement, Estelle se met à avoir le mal d'altitude. Sensation inconnue et désagréable que ce sang qui frappe dans le crâne comme pour en sortir. Sensation déstabilisante et à nouveau inconnue que ses vomissements dans l'heure suivante !.
Comprenez que ce n'est pas par appétit que nous nous mettons à table à 18h00, repas indispensable pour notre ascension après le réveil de 23h00 !..Et qu'il est difficile de s'endormir à 20h00 pour se voir réveiller trois heures plus tard !
Alors que nous somnolons devant notre pause thé/biscuits de 23h00, Simon inspecte nos visages en quête de signes alarmants. Nous sommes aptes !!
Nous nous équipons silencieusement de polaire, coupe vent, bonnet, gants, frontale pendant que 30% des groupes restent cloués au lit.
Les départs s'effectuent successivement tels des mineurs allant au charbon ! Nous sommes conscients de la difficulté que nous allons endurer, de part notre état physique et moral déjà bien entamé, ainsi que les sept heures d'ascension qui nous attendent cette nuit.
C'est parti !. Simon nous ouvre le chemin, Yann l'éclaire, puis suit Estelle. John ferme la marche.
Nos pieds foulent le sable volcanique, nos yeux scrutent avec attention la nuit à la recherche du sommet, en vain. Une ombre imposante se dresse devant nous sans réponse à notre attente.
Marcher. continuer sans cesse. un pas devant l'autre, monter. suivre. Estelle demande une pause pipi. En fait elle videra ses boyaux au milieu du Kili, avec un cri si profond que les restants au camp l'auront sûrement entendu !
John et Simon se regardent dubitatifs...
Nous reprenons notre chemin et doublons un groupe : il s'agit d'américains dont un membre mal en point redescendra au camp. C'est à notre tour de faire une pause. Souffler pour mieux repartir. Le mal s'accentue pour Estelle. Simon la déleste de son sac à dos et sa frontale. Estelle passe en deuxième position.
Un couple anglais nous double à une vitesse surprenante. Pourtant, le souffle court, l'effort est pénible. Optimiser nos pas au maximum.
Pendant un moment, Estelle perd toute notion de notre situation au point même de ne plus savoir qu'elle gravit le Kili, et encore moins avec Yann !
Zigzaguer et avancer pole par pole. Ne pas craquer. Résister. Aller au devant, sans question. Marcher..
Toujours à la recherche de notre objectif, nous apercevons une frontale qui semble tellement loin que nous essayons de nous convaincre que ce n'est qu'une étoile parmi d'autres !
Nous croisons de nouveau la femme du couple anglais, qui rebrousse chemin à une vitesse toujours surprenante et assistée de son guide. Nous nous pausons sous une énorme Pierre en forme de grotte, à l'abrit du froid et du vent. Un allemand tente de s'endormir. Simon le secoue et lui fait boire de l'eau citronnée. Il nous apprendra, par la suite, qu'il peut être fatal de s'endormir après un effort physique à cette altitude, le rythme respiratoire étant trop faible pendant le sommeil.
Nous reprenons notre marche infernale. Désormais, nous gravissons caillasses, escaladons pierres et rochers. Avec cette nouvelle difficulté due au relief, Simon demande à Estelle de s'agripper à son sac à dos et parfois de lui tenir une main.
Impatients d'aboutir, nous demandons tous deux la durée restante à Simon. Et à répétition , Simon de nous répondre : " Dans une demie heure". décidément, même sur le Kili, l'heure africaine reste fidèle à son image ! Nous n'avons d'autres choix que de nous motiver mutuellement.
Nous nous faufilons maintenant autour de rochers insurmontables. Le ciel s'éclaircit, nos mouvements sont nettement moins pénibles et nous devinons la fin de l'ascension.
Il est 6h30 quand nous apercevons la première expédition à l'arrivée. Il nous faudra peu de temps pour les rejoindre !
Simon nous félicite de notre exploit en nous serrant dans ses bras. On ressent chez lui, une satisfaction d'avoir mené à bout son expédition. Yann réalisera un ultime effort pour aller embrasser et féliciter Estelle, qui n'en aura pas mémoire !
Simon, qui a l'air frais comme un gardon, nous fait comprendre qu'il faut maintenant apprécier la beauté du sommet dans tous ses recoins. En route pour une heure de marche ! Nous contemplons le cratère au loin. Puis, suite à une pause, Yann refuse de se lever, et seule l'intervention de Simon le fera réagir : " You must go tu Uhuru Peak". Nous atteignons donc le sommet sous le soleil levant.
Là, chacun attend son tour pour immortaliser l'instant et le lieu à 5894 mètres d'altitude.
Nous faisons de même. Nuages en contre bas, comme un tapis déroulé, nous sommes à quelques mètres du fameux glacier que nous apercevions depuis une semaine à plus de 80 kilomètres.
Nous cherchons en vain les villages de Tanzanie au loin. Le kili, le toit de l'Afrique ! La vue est magnifique. L'espace et la liberté ne peuvent être mieux mariés. Mais la fatigue, l'effort et le mal nous terrassent. Nous enclenchons rapidement la marche de la descente sur le même chemin, mais cette fois-ci en sens inverse.
Nous n'oublierons pas cette course, tous les trois avec Simon, main dans la main, les pieds dans les gravillons. Dans la pente, la poussière nous entoure, les genoux se vrillent, les chevilles se bloquent parfois, et la gorge s'assèche à chaque lancée de pieds. Il nous faudra seulement deux heures et demi pour retrouver le camp Kibo, et deux heures pour nous reposer et prendre un en cas avant de rejoindre le camp horombo, que nous atteindrons en trois heures trente de marche.
A cette étape, la chambre 44 nous est administrée, dortoir général au dessus de l'espace repas qui nous laissera peu de temps de sommeil récupérateur entre les derniers sortants du dîner et les premiers arrivants du petit déjeuner ( Evitez la chambre 44 !!).
Au petit matin, le camp se réveille sans eau courante, glacée par le froid de la nuit. Enfin, deux heures trente nous suffisent pour atteindre le premier camp Mandara. Suite à un pari sur notre succès, nous buvons avec délectation notre première bière nommée " Kilimanjaro Bier". Nous atteignons la porte d'entrée du Kili à 14h00, et Simon nous remet notre certificat d'ascension en indiquant : " Durée : 7h30". On imagine les difficultés qu'à du rencontrer Hans Mayer, premier européen à avoir réalisé l ascension du Kili !
Nous retrouvons notre bon vieux 4*4 fumant, qui nous conduira tous les neufs à Moshi, carrefour de tous les départs de treks. La, nous assistons à une altercation entre notre guide et les porteurs suite à notre remise de pourboire pour l'équipe.
Après ces cinq jours d'expédition, nous voici de nouveau seuls dans notre chambre du quatrième étage d'une guesthouse recommandée par Simon et au, au loin, le Kilimanjaro semble nous faire un dernier clin d'oeil.
Expérience enrichissante qui nous aura poussée dans nos limites physiques et mentales. Bon tremplin pour les galères à venir qui seront à gérer en commun !
Quelle satisfaction d'être allés au bout de ce qui nous a paru, dans les derniers moments, inatteignable !
Soulagés, de l'étape qui se termine, nous filons sur Zanzibar, via Dar Es Salam, afin de reprendre quelques forces sur "île aux épices" de l'Océan Indien.