La ville monde, l'entrée dans Istanbul

SILIVRI - ISTANBUL

itinéraire de Silivri à Istanbul

Des montagne russes toujours des montagnes russes avec de longues lignes droites et une circulation de plus en plus infernale. Très dure montée à Buyukçekmece. Retour sur l’autoroute. Quand je retrouve Paul, c’est l’enfer et la peur qui ne nous quitteront plus jusqu’à l’arrivée environ 30 km !

barres d'immeublesMardi 30 juin, le muezzin ne m'a pas oublié. Les oiseaux, les mouettes qui piaillent et caquettent non plus. Veulent-ils me réveiller pour le grand jour tant attendu sous un ciel si pur, si bleu. Adios la pension Marina. Au revoir, la patronne sans chichi et sympa et sa petite fille pleine de vie. Un coup d'oeil sur la mer en haut d'une falaise. Des enfants se baignent déjà. Grande route mais toujours avec la bande cyclable. Je sors à Celaliye. Plus tranquille. Des cyprès, des villas, je me croirais à Carpentras. Je rentre sur la quatre voies de peur de me perdre à Kumburgaz. Des barres d'immeubles alignés. Déjà, la cité-dortoir. Pour me soulager car c'est carrément chaud, je sors à Buyukçekmece, un festival annoncé. Et puis tout d'un coup, une cote aussi longue et dure que le nom de la ville à prononcer. Au milieu, il y a des phoques et des ours, sans doute le réchauffement climatique les a figés là ! Je me paume vers Avcilar où je m'arrête à une épicerie pour demander Atatürk enfin l'aéroport du même nom. J'arrive tant bien que mal de croisement en croisement à la quatre voies par une bretelle géante. Quelques kilomètres après, je vois pas mon Paul avec tout son barda arrêté sur le bas-côté. Lui aussi, trouve que c'est très long. Il était prévu 52. On en a fait 50 et loin d'être arrivé. Ça devient de plus en plus chaud. La bande cyclable est réduite à la portion congrue et il faut redoubler d'attention aux sorties où les voitures nous doublent et se rabattent devant nous pour prendre la sortie. À un moment, c'est un car qui frôle Paul de quelques centimètres. Ataturk annoncé mais j'y renonce préférant rester à deux sur cette route infernale. Il faut suivre Sultanahmet, lui a-t-on conseillé. Mais toujours pas de panneau. Il prend un film en fixant une caméra sur son guidon. C'est la grande chevauchée avec sa tente et sa guitare et ses deux sacoches accrochées à l'arrière, je le suis comme le Christ portant sa croix dans ce vacarme, ces klaxons, ces camions, ces cars qui vous frôlent. Tous nos sens sont en éveil, me confie-t-il exténué à une pause. Enfin, la sortie de cet enfer, enfin, Sultanahmet annoncé après avoir quitté cette quatre voies interminable "On est vivant, On est vivant" je crie à Paul qui acquiece, soulagé et heureux après tant de souffrances. Enfin, la circulation qui se densifie et le flot de taxis jaunes s'engorge en assaillant la ville.
Enfin, Istanbul annoncé sur une banderole attendu comme le Messie. Enfin, après un pont, la nouvelle mosquée ? Camii majestueuse et ses dômes, ses pigeons qui s'envolent dans le ciel d'Istanbul, de Constantinople, de Byzance... Vite trouvé, l'hôtels Emek, pas cher, me dit cet homme à l'air affable et ravi de m'y conduire. Chambre toute petite avec fenêtre donnant sur le mur d'en face mais affaire vite conclue. Je m'écroule sur le lit en repensant à cette folle arrivée, avec Paul comme deux frères, l'un protégeant l'autre, comme une cordée improvisée sur la route mais solide et soudés jusqu'au sommet de cette ascension interminable. À pied, dans le quartier des hôtels relativement calme mais arrivé au tram long serpent à deux corps qui va très vite, c'est de nouveau la foule, les commerces, les touristes, les enseignes, un homme costumé invite au restaurant, un marchand de glace qui fait tourner sa pâte autour d'un manchon. Pas trop le temps de m'attarder. Rendez-vous avec Paul au Marvin Guest House à huit heures. Demander son chemin à tous les coins de rue. Il faut longer le Topkapi Palace. Longer cette forteresse. Trouver son chemin dans ce déluge de rues, de boutiques, de restaurants. Est-ce Aya Sofia ? Là encore devant moi et son immense dôme. J'en crois voir à tous les coins de rue. Traverser un jardin. Enfin, Marvin Guest House au bout de la rue. Et les jeunes de tous les pays, l'ambiance internationale, routards ou étudiants, des Français étudiant en Syrie, une Croate, un Indonésien, un cyclo allemand de 71 ans !, une salade que l'on se passe comme on fume le cannabis. Paul n'est pas venu. Qu'a-t-il fait ? N'a-t-il pas trouvé ? S'est-il endormi exténué par tout ce stress ? Faut maintenant retrouver l'hôtel. Le restaurant Ziya m'appelle à côté des murailles du palais. Salade, kebab poulet. Le brumisateur pour les moustiques qui passe, des calèches qui entrent dans le palais et le marchand de glaces qui malaxe sa pâte et la fait tourner comme des Derwish tourneurs..

bannière d'Istanbulmosquée CamiiDerwish tourneur

Mercredi 1er juillet, le Topkapi palace Sarayi pour commencer les visites. Après la porte impériale, la Bab-u-Humagun, c'est le première cour, le musée archéologique puis la monumentale bab-i-Salawi, la porte du salut donne accès à un grand parc fleuri, la deuxième cour sous de géants platanes. Un orchestre en tenue d'apparat marche vers la porte, longue robe rouge et verte, trompette, tambour, clairon et grosse caisse marche vers la foule des touristes comme une armée en marche vers ses ennemis puis ils s'arrêtent sur la place formant un cercle. Sabres, casques cottes de mailles brillent sous le soleil brûlant. Musique et puis chant donnant de la solennité à un lieu déjà chargé d'histoire. Ah, si la guerre pouvait être aussi belle !

orchestre en tenue d'apparatsoldat en tenue d'apparat

La salle d'audience après la porte de la félicité Bab-i-Saadet où le sultan recevait les ambassadeurs. Un guide explique. Deux janissaires, sourds et muets, amenait l'ambassadeur devant le sultan pour sa requête. En l'entendant, si le sultan fermait les yeux présentant un danger, on lui coupait la tête ! La salle des trésors : des vases, des bijoux, des colliers, des casques et des sabres incrustés de diamants, les deux immenses chandeliers d'or et ce couffin. D'autres trésors dans une autre salle recouverte de faïence bleue jusqu'à la coupole : des sabres et des épées, les turbans de Mahomet et de Joseph. La porte de la repentance, très ancienne, de la période abbasside. Gutter Pipe ? Chest of the Prophet, manteau Case of the Banner of the Prophet. La barbe, la boîte contenant la barbe du prophète, les dents et l'épée du prophète. Un hormme dans la salle suivante lit à voix haute le Coran qui défile sur un écran. Le tapis des trésors du prophète. Il n'y a plus que son portrait qu'on n'a pas vu ! La salle des portraits du sultan du premier Ossman Gazi 1293 -- 1326 au dernier Mehmed VI 1918 -- 1922. Le sultan Abdul Hamki I de 1774 un peu abrutie n'a pas l'air dans son assiette. Les habits du sultan, ses Kaftan, habits de cérémonie qu'il portait lorsqu'ils prêtait serment, en velours ou en soie de l'Inde. Le harem, un autre musée. La cour des eunuques, deux noirs représentés. C'est un labyrinthe de salles et un enfilement de cours. Le passager et la cour des concubines. Où sont-elles passées ? À part des touristes... Appartement de la reine mère. La chambre du sultan fermée. Il doit être occupé ! Les bains du sultan. Le hall impérial, le lit à baldaquin, le lustre sous la coupole. Une autre grande coupole avec des arabesques jusqu'au petit cercle du jour. Des vitraux de fleurs rouges et bleues. Le twin kiosk, les deux chambres privées du prince enfin la cour des favorites. Bref, on ne s'ennuyait pas du temps du sultan !
La mosquée bleue au fond d'un jardin, immense dôme entouré de six minarets, comme un soleil touchant la Terre. Grandes cour à arcades intérieures. Il faut se déchausser ensuite car on entre dans la cour de la mosquée. Quelle salle somptueuse recouverte de tapis rouge et au plafond, le regard guidé par de géantes colonnes en pattes d'éléphant, la coupole centrale comme une fleur incrustée dans le ciel. Le regard est subjugué, le souffle coupé. On est sublimé devant tant de beauté. Avec une allemande d'origine russe, photo de cet instant magique.
Un arrêt près du Grand bazar et de Bayarit Camii au Doce café quatre livres turque le Lemon Fanta, c'est pas donné et en plus, ils essayent mon vélo Ah les coquins ! Rencontre et discussion avec l'allemand, grand cyclo au visage émacié et buriné d'où sortent ses yeux bleus comme deux diamants ses voyages et ses envies, il est venu d'Allemagne, compte aller jusqu'en Cappadoce rejoindre son fils, ensuite revenir à Istanbul et repartir dans son pays. Longue vie à toi. Les cyclistes, les cyclos grands voyageurs comme toi qui parcourt la terre à la rencontre de l'autre à travers leur passion devrait être éternels éternellement jeune comme ceux du Marvin Guest House, éternellement invités à la table du monde. Promenade après la gare de Sirkeci tout près, le long du port, les gros ferrys qui embarquent, les restaurants et leurs néons alignés sous le pont, de grandes enseignes lumineuses rouge et bleue. Asurman, Balik Noktasi, Yaka Balik, Symbol Balik, Yildizlar. Au bout, dans une avancée comme la proue d'un bateau, des amoureux comme en croisière sur fond de mer et le pont bleu sur le Bosphore. Je m'arrête à Fish Gate, alpagué par un pêcheur Umit qui a tiré sa ligne. On les voit qui tombent du pont et remontent avec leur poisson. Sur fond d'hymne à la joie, bar et cheese cake et la valse de Vienne qui semble rythmer le ballet des bateaux sur Istanbul illuminée comme le palais des mille et une étoiles.