La polynésie : un exemple d'autonomie ratée.
La Polynésie n'a plus un sous.
La collectivité a totalement épuisé ses réserves de trésorerie. Sa dette s'élève à plus de 700 millions d'euros. Standard & Poor's a dégradé sa note de BBB+ à BBB-.
Le président de la Polynésie française, Gaston Tong Sang, a présenté le 28 avril la situation financière et budgétaire de cette collectivité du Pacifique, marquée par un épuisement total des réserves de trésorerie depuis fin novembre. Alors qu'en janvier 2008 la Polynésie française disposait d'un excédent de trésorerie de plus de 181 millions d'euros, cette manne est épuisée depuis le 23 novembre dernier, a expliqué le président devant la presse.
L'encours de la dette de cette collectivité au 31 décembre 2009 s'élevait à plus de 700 millions d'euros. Dans ce contexte, l'agence Standard & Poor's a d'ailleurs abaissé la notation de la Polynésie française qui est passée de BBB+ à BBB-.
Selon les responsables locaux du budget et des finances qui entouraient Gaston Tong Sang, la crise internationale n'est pas la principale raison à cette situation aux causes "essentiellement structurelles". Le modèle économique polynésien basé sur la consommation des ménages s'est aujourd'hui essoufflé. Les dépenses de fonctionnement liées à l'important personnel de l'administration et à celui de la soixantaine d'établissements publics ont également grevé les finances.
Ces dépenses (qui ont augmenté de plus 83 millions d'euros en 10 ans) correspondent à elles seules à 30% du budget total de la collectivité. Pour tenter de juguler l'hémorragie, les techniciens préconisent, entre autres, une diminution annuelle de 5% de la masse salariale (non remplacement des départs en retraite) ainsi qu'une réduction de 50% sur cinq ans des subventions accordées aux organismes para-publics.
Des privatisations sont également envisagées par le chef de l'exécutif, notamment la compagnie aérienne Air Tahiti Nui ou la chaine de télévision TNTV. "La situation est difficile (...) Il faut réformer et améliorer les services publics. C'est l'objectif que je me fixe ", a expliqué Gaston Tong Sang qui ne dispose plus aujourd'hui de réelle majorité au sein de l'assemblée polynésienne.
Hasard du calendrier, une délégation d'experts de l'Inspection générale de finances et de l'Inspection générale de l'administration est actuellement sur le territoire pour tenter d'élaborer un diagnostic.
ETAT DES LIEUX
Plus du quart des Polynésiens vivent en dessous du seuil de pauvreté
Pour la première fois dans l’histoire de la Polynésie française, une enquête officielle, menée par TNS-SOFRES, a été réalisée auprès de la société polynésienne.
Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de rappeler que la Polynésie fait partie intégrante de la République française et que, à ce titre, les Polynésiens sont des Français à part entière.
Ce petit rappel étant fait, les premiers résultats de cette étude, réalisée en août 2009, ont été rendus publics le 10 mars 2010. Le mythe du « paradis polynésien » s’en relèvera-t-il ?
Les éléments communiqués sont un rapport intermédiaire lié à cette enquête. Le rapport complet de l’étude sera publié d’ici le mois de juin 2010 par le Cerom (Comptes économiques rapides pour l’outre-mer).
Les Polynésiens sont deux fois plus pauvres que les Français métropolitains
Le chiffre le plus frappant est le suivant : en Polynésie française, 27,6 % des Polynésiens vivent en-dessous du seuil de pauvreté monétaire, soit plus du quart de la population !
La Polynésie française, un pays du tiers monde ? : Plus du quart des Polynésiens vivent en dessous du seuil de pauvreté .
A titre de comparaison, en France métropolitaine, c’est 13 % de la population qui vit en dessous de ce seuil.
La première conséquence de cette situation dramatique, toujours selon cette même enquête, c’est que 5,1 % des Polynésiens répondent aux critères internationaux de l’exclusion sociale. Un tel pourcentage ramené à la population française de métropole signifierait que plus de trois millions trois cent mille Français seraient considérés comme étant exclus de la société !
Il est bon ici de préciser que le coût de la vie est environ 30 % plus élevé en Polynésie qu’en France métropolitaine.
La fiscalité en Polynésie française
Il est une idée fausse qui veut que, en Polynésie française, on ne paie pas d’impôts. La seule chose qui soit vraie, c’est que les Polynésiens ne sont quasiment pas soumis à l’impôt sur le revenu.
Ainsi, toute la fiscalité du pays repose sur les taxes (dont la TVA), l’impôt le plus injuste qui soit puisqu’il est le même quel que soit votre revenu.
Le niveau cumulé des différentes taxes appliquées sur les prix de vente en Polynésie est, globalement, très légèrement supérieur à la fiscalité totale pratiquée en France métropolitaine (impôts directs et indirects cumulés). Là où le bât blesse, c’est qu’un certain nombre de charges n’incombent pas au budget de la Polynésie mais à celui de la France.
Les dépenses polynésiennes assumées par la France
Sont payées directement par l’Etat français les dépenses suivantes :
La totalité des salaires du personnel de l’Education nationale (enseignants, administratifs et techniques) et les dépenses liées aux installations scolaires (collèges, lycées, etc.) ainsi qu’à leur équipement et à leur fonctionnement ;
La totalité des dépenses de sécurité intérieure (police nationale et gendarmerie) ;
La totalité des dépenses liées à la sécurité du territoire (armée) et à la diplomatie.
A cela s’ajoute la D.G.D.E. (Dotation globale de développement économique) dont le montant, pour 2010, est de 135 millions d’euros.
Autrement dit, avec une pression fiscale supérieure à celle exercée en France métropolitaine, le gouvernement a beaucoup moins de dépenses à assumer. Et pourtant, le résultat est sans appel : il y a (proportionnellement) deux fois plus de pauvres en Polynésie qu’en métropole !
Tahiti, le paradis des inégalités
L’autre point particulièrement choquant de cette enquête est le chapitre qui traite de la répartition des richesses.
En 2009, les 20 % de ménages les plus riches de Polynésie française captent 47 % des revenus tandis que les 20 % de ménages les plus pauvres s’en partagent à peine 6 %. En clair, cela veut dire que, sur une table de dix convives, deux mangeraient la moitié des plats servis.
L’indice de Gini (qui mesure les inégalités) est de 0,40 en Polynésie. Sur la grille de cet indice, le 0 signifie l’égalité parfaite, c'est-à-dire que tout le monde a le même revenu. Et le 1 du même indice signifie l’inégalité totale. Autrement dit, une personne a tout et les autres rien.
A titre de comparaison, celui de la France métropolitaine est de 0,29.
La Polynésie et ses pauvres
Le dernier point qui ressort de ce rapport et qui est au moins aussi choquant que ce qui précède concerne les mécanismes de compensation. Autrement dit, les prestations sociales diverses.
En Polynésie, les aides publiques et sociales représentent moins de 10 % des revenus des 10 % des ménages les plus pauvres. En France, ces prestations représentent 35 % des revenus de ces mêmes 10 % de ménages les plus pauvres.
Pourtant, la solution n’est pas inaccessible. On estime en effet qu’il suffirait de transférer 4,3 % des revenus des ménages non pauvres vers ces derniers pour que plus personne ne soit en dessous du seuil de pauvreté en Polynésie française.
On est en droit de se demander pourquoi ce n’est pas fait…
Dolto